jeudi 13 octobre 2011

aigreur d'estomac

Je trouve en passant que vous me demandez de plus en plus la lune, alors je sais que j'ai parlé de loups garous y a pas très longtemps mais quand même ! C'est vrai, je suis sollicité de toutes parts pour remédier à des problèmes qui ne relèvent pas vraiment de mes compétences, si je pui-puis-je me permettre ...
Qu'à cela ne tienne, les aigreurs d'estomac se ressentent très souvent suite à une terrible injustice. Et parfois, ça a du bon. En premier lieu, elle nous apprend la vie, et c'est déjà pas mal. Loin de moi l'idée de légitimer les abus perpétrés par ceux qui en sont les plus dignes prestidigitateurs, loin, mais alors là, très très loin ... de moi !
Par contre, s'y soumettre et l'affronter, l'injustice, pas le pesticide-gitateur, c'est faire preuve d'une grande vertu, lorsqu'on le fait avec dignité et humilité.
Donc, ce n'est pas forcément à soigner.

Prenez cette grande artiste, Jill Scott. En 1998, elle bosse avec The Roots. Ils travaillent à ce qui va devenir un des albums cultes du Hip-Hop : "Things Fall Apart".
Elle, elle sort de nulle part, pas connue, quelques featurings, quelques sorties remarquées, mais pas franchement de quoi fouetter un chat, bref, elle propose quelques idées aux Roots, dont une chanson, qui va faire un carnage : "You Got Me".
Ils enregistrent quelques pistes, ils bossent d'autres morceaux et arrivé au mixage, la maison de disque décide que la petite Jill n'est pas assez connue et qu'il faut que cette chanson soit chantée par une autre, plus connue, plus jolie, plus aguicheuse, plus ..... The Roots refusent, la major fait pression, comme d'hab', ils gagnent, mais nos amis Rootsiens obtiennent que ce soit Erykah Badu qui la chante et pas une mielleuse chanteuse de R&B fraichement sorti du moule à succès.
Et ça donne ça :


Bon, c'est vrai, c'est une tuerie, on est tous d'accord, y a pas à tortiller du cul pour chier droit, ça dépote, moi je dis Bravo !!! Entre nous, avez-vous remarqué la fin et le passage carrément Jungle, Drum&Bass, on se croirait chez Aphex Twin ! et c'est pas une boîte à rythme, c'est le grand Questlove aux baguettes !! Moi, ça me rend fou, ce morceau, cette voix, ce groove, bref .... Et puis Black Thought, c'est un peu un des meilleurs MC du cosmos quand même, vous en conviendrez non ?

Il n'empêche que notre brave Jill Scott se retrouve un peu au tapis. On aurait pu penser qu'elle l'aurait mal pris, c'est dégueulasse quand même, et profondément injuste ... et bien même pas ! Au final, elle n'en veut à personne, ni aux Roots, ni à Erykah Badu, c'est même un honneur pour elle, que sa chanson soit jouée par Erykah, la grande Erykah. Elle en veut à peine à la maison de disque. Dans une interview accordée quelque temps après, elle dit même que ça lui a donné l'envie de se concentrer sur les vraies valeurs de la vie et de revenir à la musique plus mature, plus sereine, plus grande. Moi, je veux bien la croire, surtout quand en 2004 sort son album : "Beautifully Human Words & Sounds Vol.2". Une pure merveille. Une leçon de soul, satinée d'instrus plus modernes, voire Hip-Hop, une production raffinée, une voix digne de la plus grande classe, l'album de la consécration. Elle vole même la vedette à toute une horde de chanteuses fort matées lors de ces fameux Grammy Awards à la mords-moi le nœud !!!
Ecoutez plutôt ça :


ou alors ça : quel groove sur ce morceau ! Enfin une chanteuse qui se lâche, qui part un peu en vrille de temps en temps, qui dérape, qui s'amuse, on en voit tellement rarement. Et ce rythme entêtant, envoutant, ce petit son jazzy à peine voilé, cette petite guitare à la George Benson, moi, ce morceau, il me fait beaucoup d'effet, je l'avoue.



La meuf sur la photo, on est d'accord, ce n'est pas elle, mais justement !!
Finalement, ça lui aura pas fait tant de mal que ça. Qui sait ? Aurait-elle sorti autant de bons trucs si le destin l'avait propulsée sur le devant de la scène un peu plus tôt ?

Bon je vous mets quand même l'original, celle avec Jill Scott, et en live, pour comparer :

samedi 8 octobre 2011

métamorphose

Si j'avais été ado là, par les temps qui courent, je pense que j'aurais été ce genre de rebelle un peu chiant qui ne rate aucune occasion de descendre dans la rue plutôt que d'aller en cours et qui, en cachette bien sûr, se mate toutes les séries avec des vampires et des loup-garou. Je cite donc True Blood et consorts dans les quelles les gars se transforment un peu comme ils veulent. Des fois, c'est pas très simple, il faut attendre la fois par moi où t'as pas forcement tes règles, mais où tu as la pleine lune dans la face sinon t'es rien. Dans d'autres circonstances, certains ne peuvent vivre que le soir, c'est sympa au début quand t'es jeune, mais ça fait une image un peu sombre dans ta télé, quand tout se passe la nuit.
Et puis tu as les métamorphes. Alors eux, c'est trop le pied, ils se transforment en animal quand ils veulent, ils ne sont pas obligés d'attendre le cycle infernal des menstruations ou n'importe quel autre !! Et ça te fait te poser des questions existentielles sur le fait de grandir, la maturité, l'âge adulte et tout ça quoi. Si je pouvais, je me transformerais en qui ? Pas en quoi, mais en qui ? Un peu le même genre de question que tu te rappelles t'être posé pendant ta séance de psy au cours de laquelle tu t'es plongé dans ton enfance à l'époque où tu rêvais d'avoir d'autres parents que les tiens, ça vous parle ???!!
En tout cas, si je pouvais être quelqu'un d'autre, je serais qui ?
C'est quand même un peu bien de se poser cette question, surtout quand t'es plus trop ado !
En tout cas, je l'avoue, j'ai peu de souvenirs de mon enfance, mais je me souviens m'être torturé l’encéphale plus d'une fois avec ce genre de questionnement quand j'étais jeune.
Le meilleur remède, à ce niveau-là, c'est lorsque la femme chat nous parle du meilleur.
Je fais bien sûr allusion à cette émouvante Chan Marshall, alias Cat Power lorsqu'elle chante "the greatest". Vous l'aurez sûrement entendu dans des films tellement cette chanson est touchante, enivrante. Moi, je la chante en louange tous les jours depuis la sortie de cet album éponyme pas si terrible que ça au demeurant. "The Greatest".

 Je traîne autour de Cat Power depuis 1996 et son "Nude as the news" sorti sur l'album "What Would the Community Think". J'avais été bluffé par la beauté de sa voix à une époque où je ne faisais absolument pas attention à ce genre de détail. Sa musique me faisait penser à Pavement, en moins punk, Sammy, Swell, ces groupes élevés à Sonic Youth mais qui en sont un peu sorti, gràce notamment  à des guitares moins virulentes. Mais sa voix !!! Je n'avais pas l'habitude d'entendre une si jolie voix sur ce genre de rock indé.
Après, il y a eu "You are free", très beau, moins alternatif, plus formaté aussi, et puis enfin, "the Greatest".
Et ça me fait plaisir d'en parler parce que son parcours résume un peu mes goûts, car sur cet album, elle retourne à l'essentiel, le son de Memphis, la Soul, le Son. D'ailleurs, elle s'accompagne d'anciens musicos d'Al Green, le grand Al Green, chanteur de soul auteur d'hymnes intemporels sur lesquels nous reviendrons sûrement plus tard.
Donc Cat Power peut nous parler de métamorphose et je la laisse car elle le fait beaucoup mieux que moi :


 Et puis je vous prescris aussi le premier, celui qui m'a fait tomber :


Je ne sais pas si c'est une bonne idée de mélanger les genres comme ça, mais ce n'est peut-être pas un hasard si je vous parle de métamorphose alors que ces temps-ci, je suis plongé dans l’œuvre de Richard Strauss et son "Metamorphosen" justement. Pour ceux qui en auront le courage, ça vaut le déplacement, c'est d'une intensité, ça fait mal au ventre tellement c'est poignant, épique, et vibrant. Je ne vous laisse que la première partie et les plus téméraires iront voir la suite.


vendredi 7 octobre 2011

solitude

Alors là, chers patients, c'est peut-être une des pires choses qui peut vous arriver !
On se sent "comme une bougie qu'on a oublié d'éteindre dans une chambre vide".
"La tête baissée laisse le cœur sur l'estomac, l'estomac sur les genoux, ma tristesse n'a d'égale que le coup de gueule muet de l'enfant seul que nul ne calcule".
Seul comme devant un frigo vide, ou comme s'il n'y avait plus personne dans les rues de New York.
Vous l'aurez deviné, ceux qui en parlent le mieux ne sont pas forcément ceux qui en font le plus, et il s'agit, en l’occurrence, de notre cher Oxmo national ainsi que de nos chers Simon & Garfunkel, pas nationaux du tout, par contre.

En ce qui concerne Oxmo Puccino, le célèbre agent secret client du Lipopette Bar, amateur de chemises noires, celui que l'on surnomme Black Popeye, entre autres, je voudrais le crier sur tous les toits, c'est sûrement le plus grand rappeur français de tous les temps.
Il manie la rime avec une dextérité de haute voltige. Il est capable de faire valser Georges Brassens et Nas dans un même bateau. Il est aussi celui qui assume enfin l'héritage du hip hop dans son intégralité, ni rap conscient, ni rap de rue, le rap, ce n'est pas soit l'un, soit l'autre, c'est les 2. Le message et les tripes.
A ceux qui ne comprennent pas pourquoi j'écoute encore du rap depuis que j'ai 12 ans, je leur réponds "avez-vous entendu "qui peut le nier ?", "peur noire" ou justement .... "l'enfant seul" ????"




Celle-là ou l'autre version, celle en compagnie de ce suisse de trompettiste, Erik Truffaz, qui surpasse peut-être l'original !


Pour les autres, je n'aurai pas besoin de le faire. Par contre, il se peut qu'en leur compagnie, je me sente obligé de me justifier quant à mes goûts prononcés pour la douce mélopée, de celle que l'on n'entend pas beaucoup chez mes amis rappeurs, mais plutôt chez les amateurs de folk ou de country.
 
Pour ceux qui préfèrent la médecine douce, l'homéopathie musicale, je vous propose l'énormissime "The only living boy in New York" de Simon & Garfunkel.
Et alors là, je vous le dit tout de go, nous avons affaire ici à un hymne, un monument sacré de l'histoire de la musique.
Une intro simple mais digne d'une bonne intro à la Beatles ou Radiohead. Et un refrain .... ah mes amis ... quel refrain : ça monte en puissance, on est tout en émoi, et au moment où on sent monter la sauce, ça se calme pour nous emmener dans des contrées idylliques, avec des chœurs à couper le souffle, la douceur d'un champ de blé dans le Luberon un soir d'été ! Les chevaux qui galopent en liberté, crinière au vent ....
Et puis hop, ça remonte, l'écho sur la batterie, ça vient ça vient, non pas encore, on retourne au couplet, avec les chœurs des chevaux en plus !
Je n'en dis pas plus, vous verrez si ils envoient la sauce ou pas !!!
Ecoutez-donc ça :


On se sent pas forcément moins seul, néanmoins, les oreilles en plus, on en viendrait presque à aimer ça .... d'être seul !

dimanche 2 octobre 2011

alzheimer

C'est pas la peine de se prendre la tête de chou l'homme, c'est incurable. Ce qui veut dire qu'il ne te reste plus que les yeux pour pleurer, tes mains pour les essuyer et tes fesses pour te lamenter sur le temps qui passe. De philosopher sur les traces qu'il laissera derrière lui, du pourquoi et du comment, notamment ce qu'on a fait mais surtout ce que l'on a pas fait, du passé, des souvenirs, du présent et de l'avenir, de ce qu'il reste à faire, et du temps qu'il reste pour le faire ... Bon, c'est bon là, arrête, réveille-toi, je sais pas, fais quelque chose ! Allez, c'est rien, c'est juste le temps qu'il fait ! Moi, ça me déprime.

J'arrête d'en parler, Nina Simone le fait beaucoup mieux que moi, et c'est dans "who knows where the time goes".
Alors c'est  vrai que c'est une reprise de Sandy Denny, artiste folk anglaise, sorte de Nick Drake morte trop tôt, on en a pas beaucoup parlé, elle faisait moins de bruit qu'Amy, et c'est pas plus mal.
Revenons à Nina, et à ce morceau qu'elle a joué en live un soir de déprime collective. Je sais, ça peut faire long mais s'il vous plait, écoutez ce qu'elle dit avant de chanter, ça dure quelques minutes, il faut le dico d'anglais pas loin mais elle est tellement stone qu'elle parle lentement, ça passe, on comprend. Et c'est magnifique ! Y a tout, les paroles, la voix, les cordes qui vibrent, et la musique ....
D'autant plus quand les autres muzikos s'y mettent ... d'abords une petite guitare, douce, ensuite Nina nous fait part de sa façon à elle de jouer du Bach au piano sur le temps qui passe, comme elle seule peut le faire, et puis après ..... ah ... après, la fin, l'apothéose, le final grandiose, l'esprit de la soul .... on vibre comme rarement, on est passé à travers la folk music, le jazz, le blues, le classique, et enfin la soul, tout ça en moins de 9 minutes.

 

Saviez-vous que Nina Simone s'était adonnée aux joies de la musique populaire par dépit ? Elle rêvait depuis toujours de devenir pianiste classique dans de grands orchestres, de reprendre Bach dans des opéras bondés. Je dis ça comme si je la connaissais, alors qu'en fait, je raconte peut-être n'importe quoi, qui sait ? Bref, comme elle était trop noire pour l'époque, on lui a dit "fait de la musique de noirs", alors elle a fait de la musique de noirs, du jazz, de la soul, de la pop, et grand Dieu Seigneur ! merci Nina pour ta contribution, même involontaire, à la musique en général !

Paraît-il que lorsqu'elle chante, la pluie s'arrête. Paraît-il qu'elle était folle. Paraît-il qu'elle n'a eu de cesse de se battre pour les droits civiques des afro-américains. Paraît-il, vers la fin de sa vie, elle aurait passé le plus clair de son temps (tiens, encore une histoire de temps !) caché dans son château, dans le sud de la France, à jouer du Bach toute la journée. Paraît-il, quand elle commençait un morceau, de Bach donc, car elle ne jouait que du Bach, elle suivait les partitions pendant un temps, et puis elle se laisser aller à exprimer ce qu'elle n'a jamais pu faire durant sa vie de célèbre musicienne populaire et frustrée, elle partait en vrille et se mettait à composer, à laisser libre cours à son imagination plus que débordante, en partant de Bach. Paraît-il que ces séances impromptues ont été enregistrées, cela représenterait environ 72 heures d'écoute. Et paraît-il aussi que ça va sortir, en coffret, un jour. Je crois que ce jour fait partie de ceux que j'attends le plus au monde !

J'ai oublié de préciser que, au delà du fait que Nina Simone est peut-être l'artiste que j'aime le plus au monde, cette ode au temps correspond à la musique d'une scène fantastique du seul film de John Malkovich, "Dancer upstairs", film génial au demeurant (même si le réalisateur est libertarien et qu'il est pour la peine de mort, paraît-il), et que je ne saurais que trop vivement vous conseiller.

gueule de bois

A défaut de citrate de bétaine, et si vous n'avez pas le luxe de passer votre journée entière affalé sur le canapé à regarder 12 épisodes de The Wire ou Breaking Bad, il ne vous reste qu'en dernier recours, City Boom Boom, du Groove Gang de Julien Lourau

L'anti-musique d’ascenseur donc et pourtant ... on pourrait presque y croire. C'est qu'on peut facilement se faire avoir. Pour peu qu'on n'ait pas l'habitude du jazz, encore moins du saxo, et hop, on classe tout ça à côté des Stan Getz-Samba-Braziou-les soirées de l'ambassadeur sont réussies !
Alors que là, on en est loin. Non pas que Stan Getz ne soit pas en odeur de sainteté de ce côté-ci de la salle d'attente, mais j'estime qu'on touche là à quelque chose de beaucoup plus personnel, novateur et risqué même.
Derrière un rythme binaire simple et plutôt groovy, Julien Lourau pose ici les bases de ce qu'il convient d'appeler la nouvelle scène jazz française. Nous sommes en 1998 et elle n'a absolument rien à envier à celle du nord, à celle d'outre-atlantique, ou à celle de Cuba. Alors c'est vrai que certains artistes n'ont pas attendu le troisième millénaire pour faire avancer la musique, c'est vrai (et c'est pas Texier qui est d'ailleurs souvent aux côtés du petit Julien qui va me contredire ) mais on assiste avec cet album à l'avènement du Label Bleu, à l'émergence d'une nouvelle scène plus que prometteuse. L'histoire le confirmera plus tard avec Bojan Z, Magik Malik, Eric Legnini, Noël Akchoté, Sebastien Martel, Eric Lohrer, Vincent Segal, Cyril Atef, voire même Sebastien Texier fils du père donc ...
Son véritable album, celui qui va enfin démontrer que non, le jazz n'est pas mort, ce serait plutôt The Rise, sorti quelques années plus tard, mais j'y reviendrai sûrement,

 

à la prochaine gueule de bois, qui sait ??